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Lire pour grandir - Page 3

  • Avis : Attirances D. van Cauwelaert

    Trois histoires, trois nouvelles, plus ou moins longues, qui se croisent, se mêlent, tels des aimants qui s'attirent..."Attirances", où ce à quoi mène l'attachement d'un individu à un autre...ou à un objet.

    Une grande dose de mystère, un zeste de surnaturel, et beaucoup de talent. Didier van Cauwelaert écrit l'histoire d'un écrivain harcelé par l'étudiante qui lui écrit une thèse, et qui le mènera à sa perte, en guidant le moindre de ses pas ; celle d'un peintre qui s'accuse de tuer ses modèles à travers ses peintures ; et celle d'un homme prêt à tout pour rencontrer le fantôme d'une maison abandonnée.

    Sans points commun apparent, les trois nouvelles se lient pourtant, par la narration d'une part, puisque chaque histoire reprend un élément de la précédente, et par le thème d'autre part, l'attirance, souvent malsaine, qui conduit un individu à une obsession. Un bon roman, très apprécié par la critique. Chez Lireplus aussi.

    Attirances, Didier van Cauwelaert Albin Michel; juin 2005 env. 250pages

     

     

     

  • La Lampe d’Aladino de Luis Sepulveda

    de Luis Sepulveda

    Editeur : Métailié
    Publication :8/1/2009

     

    Des histoires pour vaincre l’oubli, nous promet-on… Des histoires pour voyager, des forêts d’Amazonie aux rues de Hambourg, chères à l’auteur comme dans Le nomade stellaire, d'Hector Loaiza. C’est que Luis Sepulveda est un déraciné et, si jamais il ne s’appesantit sur l’exil dans ces textes merveilleux, l’écrivain chilien a pour lui une culture sans frontières, nourrie de voyages et de légendes du monde entier. Une richesse qu’il met largement à profit dans ce recueil d’histoires tantôt farfelues, tantôt bouleversantes, mais toujours portées par une langue riche et inventive.

    Une langue qui se joue des mots et épuise joyeusement l’éventail de ses conjonctions. Cet art consommé de la narration, Sepulveda en use magistralement pour croquer une galerie de personnages surprenants, des hommes et des femmes dignes et authentiques. Certains parlent cru quand d’autres hurlent l’amour. L’un converse avec son chien et l’autre dîne avec les fantômes des poètes. Ceux-ci prennent la mer alors que ceux-là s’enfoncent dans l’épaisseur de la jungle... A travers cette foule hétéroclite, l’auteur révèle autant de nostalgie que de foi en la nature humaine. S’il dénonce au passage la progression inexorable du capitalisme qui asservit les peuples, les querelles territoriales fratricides en Amérique du Sud, ou la répression totalitaire, il met l’accent sur l’autre, sur ses failles et sa bravoure, ses espoirs et ses illusions.


    Nourries d’un lyrisme parfois renversant, d’un souffle poétique qui transperce le coeur, mieux que de vaincre l’oubli ces histoires-là transportent littéralement dans un monde exubérant, mi-réel mi-rêvé. Elles sont signées de l’une des plumes les plus affûtées de la littérature contemporaine. Une plume d’oiseau rare dans une main calleuse, forte et incommensurablement généreuse.

     

     

     

     

     

  • Avis sur le livre : Guerre à Harvard de Nick McDonell

    guerre à Harvard.JPGEditeur : Flammarion
    Publication :3/9/2008

     

    Un livre extraordinaire. Un véritable petit bijou de littérature contemporaine, un roman dur, sombre, mais aussi très drôle. Nick McDonell n'a que 24 ans, mais son génie littéraire est sans doute à son apogée. Une qualité d'écriture époustouflante qui est presque insolente venant de cette jolie petite tête blonde. Un talent qui a vraiment de quoi humilier plus d'un écrivain, les vieux de la vieille...

     

  • Chronique sur le livre de Berhard Schlink : le liseur

    On entre dans ce roman comme dans un salle de cinéma : confortablement installé sur un fauteuil, le film commence, et on s’y plonge en oubliant tout ce qu’il y a autour de nous. En ressortant de la salle, on n’a qu’une chose à dire : « émouvant ».

    On croirait lire un scénario, tant les péripéties sont nombreuses : Michaël a quinze ans lorsqu’il rencontre par hasard Mme Schmitz. Alors qu’il tombe malade en plein milieu de la rue, elle lui porte secours. C’est en voulant la remercier que cette femme devient pour lui Hanna. Elle acquière rapidement le statut d’amante, et entre eux se nouent une relation ambiguë : il devient son lecteur, c’est-à-dire qu’il lui fait la lecture à voix haute. Et très vite, leurs rendez-vous prennent cette double connotation intellectuelle et sexuelle.

    Mais un jour, Hanna disparaît sans laisser de trace, et Michaël doit refaire sa vie. Il ne la verra que plusieurs années plus tard, lors d’un procès où elle est condamnée en tant que surveillante dans les camps de concentration. Le jeune homme a beau ne plus rien ressentir pour elle, n’avoir plus que des images figées, il comprend le secret qu’elle a tenté toute sa vie durant de cacher, un secret qui pourrait lui coûter la vie même. Et c’est ainsi qu’il décide de renouer contact avec elle, quoiqu’il puisse se passer. On vit ce roman comme une succession d’images, d’odeurs, de souvenirs auxquelles nous initient le narrateur. C’est aussi une réflexion sur les camps de concentration : doit-on absolument en parler ? Comment le faire ? Doit-on condamner également toute la génération d’après-guerre pour leurs silences, leurs oublis ?

    Une magnifique histoire. A lire absolument.


    Bernhard Schlink
    le liseur gallimard, folio poche, n°3158, 243pages

  • Histoire de l'art : La Grande Guerre et l'instauration de la modernité culturelle en Occident de Vincent Fauque

    L'hypothèse à la base de cet essai à la fois d'histoire et livre d'art se formule dans les termes suivants : la guerre de 1914-18 apparaît comme la première manifestation de guerre totale qui provoque dans les sociétés engagées dans ce combat une dissolution des valeurs morales et esthétiques associées à la modernité.

    la dissolution d'un monde.JPGLa Première Guerre se distingue des conflits qui l'ont précédée par les caractéristiques suivantes : dans ces états devenus démocratiques, la participation à la guerre s'étend à tous les citoyens, ce qui entraîne la mobilisation d'une armée colossale; les nouvelles technologies mises au service des troupes décuplent leur pouvoir destructeur; cette puissance phénoménale de l'armée provoque un déplacement dans l'ordre des pouvoirs, le politique se subordonnant au militaire. Cette guerre, commencée dans l'euphorie parce qu'on la prévoyait de courte durée, entraîne une dévastation générale du territoire européen mais aussi des valeurs morales et esthétiques qui jusqu'alors définissaient la modernité.

    La modernité est un concept sujet à de multiples controverses. Difficile à situer, difficile à définir. Ses fondements remontent au 18e siècle alors que s'effectuent les transferts suivants : du religieux au laïc, la société produit ses propres normes sans se référer à une autorité extérieure, transcendante; du respect de la tradition à l'esprit critique, l'individu revendique le droit de penser par lui-même. Le 19e siècle poursuit dans la voie de la rationalité en étant dominé par le réalisme (l'art a pour but de copier le réel) et le positivisme (la généralisation de la méthode expérimentale à tous les domaines de recherche).

    Aux yeux de l'auteur, la Grande Guerre opère une césure dans cette évolution de la pensée. Elle est le "fait déterminant à l'origine de l'instauration de la désintégration culturelle moderne (ah! l'insoutenable légèreté du style universitaire, une perle dans le genre) dans les sociétés belligérantes du front occidental" (page 7). Après la mort de Dieu, on peut entrevoir "la possible mort de la raison engendrant la mort possible de l'homme" (page 165) Rien de moins. Dada s'en charge, recevant ainsi le titre de "grand initiateur de la rupture morale et esthétique" de l'après-guerre.

    Les avant-gardes artistiques qui se succèdent en Europe ajoutent au grand massacre civilisationnel en donnant dans le relativisme moral et dans le narcissisme forcené. Les artistes contemporains privilégient la discordance plutôt que l'expression de l'harmonie. Ainsi, toutes les avant-gardes du début du siècle participent à une grande insurrection dont les deux cibles sont la raison et le principe de réalité, les bases mêmes de la modernité.

     

  • Dubravka Ugresic Ceci n'est pas un livre

    Enfin un livre qui n'en n'est pas un ! Enfin un bouquin qui se met lui-même en abîme ! Une couverture parlante nous invite à découvrir par nous-même le contenu du récit : ces livres blancs, sans saveur, agglutinés les uns les autres sur les étagères, n'ont rien à voir avec celui de l'auteur : ce dernier tente de percer le secret de l'édition, identifie avec authenticité les procédés actuels utilisés par le marché pour vendre, et en cela, se détache de cet ensemble indistinct. Jubilatoire !

    ceci nest pas un livre.JPGDubravka Ugresic est une dissidente qui a de quoi écrire ! Elevée derrière le Rideau de Fer, elle a vécu le socialisme, le communisme, la chute du Mur, le démantèlement de son pays, la Yougoslavie...Et elle vit actuellement l'exil, décision qu'elle a prise en 1993 lorsque la Croatie lui a fait comprendre qu'elle "nuisait aux intérêts". Aussi ne faut-il pas la caractériser par son pays, étiquette qu'elle refuse et à laquelle elle préfèrerait celle "d'écrivain transnational". Toutes ces conditions d'existence, associé à de nombreux voyages aux Etats-Unis, aux Pays-Bas et en Allemagne où elle enseigne la littérature russe, lui ont permis d'observer pendant de longues années le marché du livre dans toute sa signification.

    Et ce qu'elle nous livre dans ce recueil, ce sont tant des essais que des nouvelles, avec toujours un humour, une ironie, parfois un cynisme caractérisant comme un fil conducteur son écriture. Tout le monde a le droit à sa critique : des éditeurs qui ne choisissent un roman qu'à partir du synopsis, des agents qui ne sont jamais à disposition, des directeurs littéraires plutôt formés au marketing qu'à la littérature...en passant par les auteurs eux-mêmes, tentés par le glamour et l'engagement qui passe pour une action intellectuelle, alors qu'il n'est qu'une action médiatique.

    Et Mme Ugresic tient son lecteur en haleine, séduit par ce récit authentique, un recueil de sanguines que tout le monde pense, mais que personne n'osait encore dire..."brève contribution à l'histoire de ma littérature nationale" est ainsi une nouvelle ironique, subtile, où l'auteure n'hésite pas à critiquer son pays d'origine ; tandis que dans "l'écrivain en exil" elle se lance dans un essai argumenté sur les conditions et conséquences d'un tel choix -qu'elle a d'ailleurs fait.

    On rit beaucoup à la lecture de ses essais, on réfléchit également. Dubravka Ugresic a conscience que l'avenir du livre est plus qu'incertain, et cerné par l'uniformisation du marché qu'elle aborde dans "questions à une réponse". Quoiqu'il en soit, le sien est parvenu jusqu'à nous, il n'y a rien à regretter !


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    Références : Dubravka Ugresic ceci n'est pas un livre essais, Fayard, 300p, 18€, août 2005