Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Livre de Pascal Quignard :Villa Amalia

Il y a deux Quignard : le premier est un écrivain classique et baroque, un orfèvre de la syntaxe, un peu magicien un peu sorcière, qui sait comme personne envoûter son lecteur dans les spirales de ses phrases, les brumeuses légendes de ses petits traités, l’érotisme contourné de ses récits ou les leçons ténébreuses de sa sagesse moitié romaine moitié chinoise. Et puis il y en a un autre, poseur et salonnard, raseur et prétentieux. Ces derniers temps, le second avait tendance à étouffer l’autre. Alors ce roman, Villa Amalia, tu l’abordes prudemment, presque soupçonneux.

villa-amelia.JPGLe début te semble compassé, convenu, personnages trop chics, sentiments trop magnifiés, langue trop apprêtée. Encore un livre snob, te dis-tu, du mauvais Quignard. Et puis, soudain, vers la page 130, le vrai, le grand Quignard reprend le dessus. On oublie un peu l’histoire assez ennuyeuse de cette femme solitaire qui compose une musique rare dans une maison de rêve au sud de l’Italie, on tend l’oreille, on se laisse ensorceler par son phrasé, ses accélérations, les coudes des verbes, les coupures, les raccourcis, les étrangetés abruptes ou doucement vénéneuses :

Dans l’angle de la porte, à gauche du café, juste avant le marchand de journaux, un civil au visage glabre, maigre, ridé, s’appuyait contre le mur. Il fumait. Il approchait de la vieillesse. Il était chauve, de rares cheveux blonds autour des oreilles, des lunettes rondes cerclées de fer, des grands yeux pâles. Il n’avait plus qu’un filet de voix – quand il parlait. Mais il parlait si peu que tous l’avaient oublié dans son coin. Il soutirait la fumée de sa cigarette par petites saccades, inspirant longuement, fermant à demi les yeux. Il allait mourir. C’était moi. (193)

Et alors, jusqu’à la fin, le roman n’est plus qu’un prétexte à aphorismes, portraits, petits contes bizarres, merveilleusement ciselés dans cette matière précieuse, brillante, sauvage et raffinée...

 

Les commentaires sont fermés.