Se pencher sur la « diversité culturelle » dans notre société n’est pas tout à fait neutre. C’est insinuer qu’il y aurait eu un âge mythique antérieur, celui d’une homogénéité culturelle, de l’unité d’un peuple. C’est encore prétendre que le culturel, autrement dit l’exotique, vient forcément d’ailleurs, de loin, d’Afrique ou d’Asie de manière caricaturale. L’ethnique est toujours incarné par celui qui vient de loin et n’est pas spontanément légitime. L’ethnique c’est l’autre. Dans ce sens, traiter de « diversité culturelle » aujourd’hui sous-entend l’existence de son inverse : l’unité culturelle.
Afin de ne pas tomber dans l’écueil du différencialisme ni dans son inverse qui serait de nier les différences entre les hommes, il est préférable de parler de la diversité contemporaine des nationalités présentes sur le sol français ; là, indubitablement, elle n’a jamais été aussi forte. La diversité de la culture, elle, a toujours existé sous ses différentes formes : modes de vie, pratiques, traditions, dichotomie urbain/rural, idéologies politiques...
On évince du même coup la « diversité culturelle », qui ne rappelle que trop la diversité des espèces et le faux évolutionnisme (Lévi-Strauss) dérivé de Darwin. Car le risque provient de la connivence entre culture et race (la fin de l'exotisme , Bensa, 2006).
Qu’est-ce qui différencie les hommes ? la culture ? Telle est la réponse traditionnellement inculquée par l’ethnologie. Mais quand des hommes issus de « cultures » différentes se retrouvent dans le même espace social, l’État français par exemple, comment peuvent-ils cohabiter, vivre ensemble, dialoguer même, s’ils sont différents.
Si l’on définit avec A. Bensa la culture comme l’ensemble des « contraintes spécifiques qui confèrent à chaque situation sa singularité temporelle » (2006 : 169), alors la configuration globale, mondialisée du contemporain amène des gens à vivre ensemble en puisant des ressources, des références (une « culture » alors dans ce sens), mais toujours tournés vers l’action, vers le présent, vers la contrainte de chaque situation, vers l’évènement. L’héritage de références (traditions, religions, ...) va contribuer à façonner le présent, mais n’en est pas l’unique origine, le fondateur suprême.
Qu’est-ce qui différencie les hommes ? Cela peut être le fait d’être d’ailleurs, d’être un immigré ici ou un émigré de son pays. Il s’agit d’une catégorie, d’un classement, d’une différenciation, celle de n’être pas d’ici, tout aussi effective que la « culture » : elle rassemble des gens sous la même bannière et les en écarte d’autres.
Et être l’héritier d’un pays anciennement colonisé, n’est-ce pas aussi un trait de culture ? Cette configuration n’a-t-elle pas liée ensemble Algériens et Français ? Juifs et Musulmans ? Elle a en tout cas créé une histoire politique commune.
Ainsi, la culture ne peut se réduire à « être Bantou », « être Marocain » ou « être Kurde » ; arrivées ici, ces populations venues d’ailleurs, de par leur migration, ne sont déjà plus tout à fait de la même « culture » : elles sont parties, elles ont migré. Un tel chamboulement psychologique, économique et autre ne laisse pas indemne : pourquoi ne serait-ce pas cela la culture ? la vie actuelle, les projets, les contraintes qui y sont liées et la manière d’y faire face, de leur donner réponse.