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Avis sur le livre : Autoportrait de l'auteur en coureur de fond, de Haruki Murakami

Il existe, indéniablement, une méthode Murakami : prose rêveuse et languide, sens aigu du flottement, fulgurances poétiques - un style inimitable, aussi adapté aux romans longue distance qu'aux nouvelles de trois pages.

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L'exercice de l'essai, toutefois, requiert d'autres qualités. Dans son Autoportrait de l'auteur en coureur de fond, l'écrivain détaille sa passion pour le marathon et établit plusieurs parallèles plus ou moins convaincants entre la course à pied et l'écriture. On le suit à Hawaii, Boston, New York ou Athènes, où il alterne entraînements acharnés et compétitions féroces, s'interroge sur ses défaillances, constate le vieillissement inéluctable de son organisme. Très bien, et en quoi ça me concerne ? est en droit de se demander le lecteur. Car si le sens du détachement de Murakami et son goût pour l'épure s'expriment avec bonheur au hasard des articles, les aphorismes afférents laissent souvent songeur : « je ne pense pas que la simple volonté vous rende capable de faire quelque chose », « personne n'a les moyens de vaincre chaque fois », etc. Ailleurs, certaines pages exsudent une autosatisfaction bourgeoise d'autant plus embarrassante qu'elle semble involontaire : comme un golfeur sans cesse en quête d'un nouveau green, Murakami voyage partout mais ne parle jamais de ses problèmes d'argent. La vie est belle quand la chance et la volonté se croisent.


Sur un plan strictement sportif, le livre est plutôt avare en révélations fracassantes (courir n'est pas très marrant, il faut s'entraîner dur, etc.). Fort heureusement, il ne saurait se réduire à une enfilade de clichés zen ou de lapalissades deadly serious ramollies au prozac. Lorsqu'il s'analyse, dissèque son caractère, fait bravement face à son âge - lorsqu'il se montre pour de bon, Murakami pose question et intrigue : on découvre un drôle de bonhomme un peu revêche, prêt à tous les sacrifices pour écrire ses bouquins (lever avant cinq heures, coucher avant dix heures, et la vie sociale aux fraises).

Les meilleurs passages, de fait, sont ceux où il souffre, pas ceux où il essaie de tirer des enseignements de sa souffrance. A cet égard, le chapitre consacré à l'ultra-marathon du lac Saroma permet de toucher du doigt la folie authentique parfois associée à la course, lorsque la volonté se dissout dans son substrat physique pour se réduire à une pure mécanique : assez paradoxalement, c'est cette mécanique qui redonne son humanité à l'auteur. Tout de suite après, cependant, il s'excuse presque - et c'est comme s'il repassait la ligne d'arrivée à l'envers. Que savons-nous de lui au final ? Inégal mais attachant, cet autoportrait en forme de glace sans tain donne surtout envie de redécouvrir les romans de l'auteur

Haruki Murakami, Autoportrait de l'auteur en coureur de fond, Belfond, 2009. 

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