Magie du conteur. Il ne fait rien, ne bouge pas beaucoup, crie rarement. Aucun effet, et pourtant on l'écoute bouche bée. L'image affranchie de contraintes se crée d'elle-même dans nos têtes, c'était donc une gageure que de mettre un conte des temps anciens, de ceux que ma grand-mère a appris de sa propre grand-mère, dans les cadres sévères d'une BD. Et pourtant, Le Camp volant ne ressemble pas à une énième histoire de fées.
Camp volant - c'est le nom du personnage principal - traîne ses frusques de grenier en mansardes, vit de la charité des bonnes gens à qui il vient volontiers en aide, et n'a vraiment rien d'un enchanteur en toge à baguette magique. Son seul pouvoir : une connaissance totale de la nature, de ses cycles et de ses mystères. Cette osmose n'est certainement pas sans rapport avec ses origines floues, mais libre à chacun de l'imaginer. C'est d'ailleurs l'une des grandes forces de ce poème qui sent son après-midi pluvieuse : l'auteur n'impose rien, ne revendique comme cause unique que celle de l'imaginaire et de la douceur.
Camp volant, pas bien beau, pas bien fort, sent les gens plus qu'il ne les comprend. C'est donc à un magnifique récit tout en évocations voilées que nous invite René Hausman, que l'on avait déjà pu rencontrer dans le joli 'La Grande Tambouille des fées'.
Seulement, à ceux qui imaginent déjà un amateur de petits souriceaux mignons tout plein, une remarque : comme la nature qu'il dépeint, Camp volant recèle une part sombre, très sombre. Rapide comme l'éclair, anecdotique, l'un des pires vices au monde prend vie sous nos yeux. Subliminal, on l'a déjà oublié. Cauchemar résiduel que l'on taira et qui disparaîtra bien vite dans la mémoire des hommes, mais qui sera ranimé par les couleurs de plus en plus sombres, de plus en plus fantasmagoriques. Tout est dans tout. Or, voilà que sans crier gare, nous sommes déjà happés par cette tendre et triste histoire. Une histoire légère et dure comme un rêve.
Le Camp volant de René Hausman, Editeur : Dupuis, sortie le 6/6/2007