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Histoire de l'art : La Grande Guerre et l'instauration de la modernité culturelle en Occident de Vincent Fauque

L'hypothèse à la base de cet essai à la fois d'histoire et livre d'art se formule dans les termes suivants : la guerre de 1914-18 apparaît comme la première manifestation de guerre totale qui provoque dans les sociétés engagées dans ce combat une dissolution des valeurs morales et esthétiques associées à la modernité.

la dissolution d'un monde.JPGLa Première Guerre se distingue des conflits qui l'ont précédée par les caractéristiques suivantes : dans ces états devenus démocratiques, la participation à la guerre s'étend à tous les citoyens, ce qui entraîne la mobilisation d'une armée colossale; les nouvelles technologies mises au service des troupes décuplent leur pouvoir destructeur; cette puissance phénoménale de l'armée provoque un déplacement dans l'ordre des pouvoirs, le politique se subordonnant au militaire. Cette guerre, commencée dans l'euphorie parce qu'on la prévoyait de courte durée, entraîne une dévastation générale du territoire européen mais aussi des valeurs morales et esthétiques qui jusqu'alors définissaient la modernité.

La modernité est un concept sujet à de multiples controverses. Difficile à situer, difficile à définir. Ses fondements remontent au 18e siècle alors que s'effectuent les transferts suivants : du religieux au laïc, la société produit ses propres normes sans se référer à une autorité extérieure, transcendante; du respect de la tradition à l'esprit critique, l'individu revendique le droit de penser par lui-même. Le 19e siècle poursuit dans la voie de la rationalité en étant dominé par le réalisme (l'art a pour but de copier le réel) et le positivisme (la généralisation de la méthode expérimentale à tous les domaines de recherche).

Aux yeux de l'auteur, la Grande Guerre opère une césure dans cette évolution de la pensée. Elle est le "fait déterminant à l'origine de l'instauration de la désintégration culturelle moderne (ah! l'insoutenable légèreté du style universitaire, une perle dans le genre) dans les sociétés belligérantes du front occidental" (page 7). Après la mort de Dieu, on peut entrevoir "la possible mort de la raison engendrant la mort possible de l'homme" (page 165) Rien de moins. Dada s'en charge, recevant ainsi le titre de "grand initiateur de la rupture morale et esthétique" de l'après-guerre.

Les avant-gardes artistiques qui se succèdent en Europe ajoutent au grand massacre civilisationnel en donnant dans le relativisme moral et dans le narcissisme forcené. Les artistes contemporains privilégient la discordance plutôt que l'expression de l'harmonie. Ainsi, toutes les avant-gardes du début du siècle participent à une grande insurrection dont les deux cibles sont la raison et le principe de réalité, les bases mêmes de la modernité.

 

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